Sophie Gosselin et David gé Bartoli invitent à une approche non anthropocentrique de la nature et du temps et à envisager la multiplicité des temporalités qui constituent la Terre. Collision du temps historique avec le temps géologique, l’anthropocène impose l’expérience d’un nouveau rapport à l’espace et au temps. Ce « nouveau temps du temps » ouvre des voies pour réinventer notre rapport sensible au monde et notre imagination du temps.
L’entrée dans l’anthropocène correspond d’abord à l’expérience d’un nouveau rapport au temps. Lorsque le temps historique entre en collision avec le temps géologique, nous n’avons plus simplement affaire à une transition historique au sein d’une temporalité et d’une spatialité présupposées mais plutôt à « un nouveau temps du temps ». Ce temps d’ordre cosmique nous engage à sortir de l’horizon anthropocentrique et anthropomorphique dans lequel il a été enclos pour découvrir la multiplicité des temporalités qui constituent la Terre.
Habiter la Terre reviendrait dès lors à se rendre capable d’habiter les temps. Si le temps se pense dorénavant au pluriel, c’est qu’il ne correspond plus à l’axe directionnel d’une flèche linéaire et horizontale tendue vers un futur indéfini. Notre nouveau rapport au temps se joue dans l’expérience d’une épaisseur verticale en laquelle se croisent et s’enchevêtrent autant de lignes de temps qu’il existe de lignes de vie. Habiter la Terre voudrait donc dire s’inscrire à même des paysages chargés de temps, c’est-à-dire de mémoire : autant de traces (immémoriales) et de tracés (de devenirs) qui rythment et déplient incessamment le mouvement du naturer.
Sophie Gosselin et David gé Bartoli proposentd’effectuer un voyage dans la texture imperceptible des temps qui tissent et relient les vies humaines et non humaines, leurs mémoires et aspirations : de l’araignée à l’arachnéen, du fleuve torrentiel au pont qui relie, de l’art des traces du chasseur chaman aux survivances des formes vivantes, de la monochronie des modernes à la polychronie des indiens Hopi, autant de pistes pour tisser une autre image et imagination du temps.