Pour Guillaume Le Blanc, tenir compte de la frontière sociale entre vulnérabilité et fragilité – concept capacitaire pour l’un, déficitaire pour l’autre – permet de réfléchir autrement à la nécessité d’un soin à l’égard de toutes les vies.
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Tandis que nous faisons toutes et tous l’expérience de nos vulnérabilités cumulées, la référence à la vulnérabilité pour désigner les sujets que nous sommes ne fonctionne pas simplement comme une désignation neutre restituant un état d’expérience. Elle mobilise une philosophie du “prendre soin” selon laquelle le sujet désigné vulnérable est attendu de prendre soin de lui-même pour activer les soutiens de soin extérieurs. Une ligne de partage nouvelle s’établit entre fragilité et vulnérabilité. Si la fragilité est un concept “déficitaire” qui révèle une structure défaillante dans l’existence de quelqu’un, à l’instar d’un verre de cristal qui est fragile en raison de sa structure interne et qui peut comme tel se briser s’il tombe sur un sol dur, la vulnérabilité est un concept “capacitaire” qui suggère que la personne exposée à une possible blessure (“vulnus” en latin veut dire blessure) est encore en capacité de lutter contre ce qui le blesse. Ainsi pensons-nous que la personne au chômage, la personne malade sont vulnérables car elles doivent activer des compétences pour bénéficier d’un soin institutionnel extérieur.
Guillaume Leblanc propose d’examiner cette ambivalence du prendre soin à l’âge de la vulnérabilité en soulignant la frontière sociale entre vulnérabilité et fragilité pour réfléchir autrement à la nécessité d’un soin à l’égard de toutes les vies.