À l’heure où l’on parle de décarboner, où l’on désigne le carbone comme le vilain qu’il faut éliminer, il n’est pas inopportun de rappeler que le carbone a plusieurs existences.
Tantôt dur quand il est sous forme de diamant, il est un symbole de durabilité, une promesse d’alliance capable de résister à tous les assauts du temps comme aux vicissitudes de la fortune. Tantôt friable sous forme de graphite à la pointe de nos crayons, il s’efface d’un coup de gomme. Le carbone a aussi plusieurs rythmes dans son sac. Grâce à sa faculté de nouer des liaisons avec d’autres éléments, il circule à travers les roches, les océans, les vivants.
En suivant les chemins empruntés par le carbone depuis sa formation dans l’espace interstellaire, ses longues haltes dans la lithosphère et ses voyages incessants dans la biosphère, Bernadette Bensaude-Vincent montre qu’il bouscule la vision commune de la flèche du temps qui s’accélère au point de conduire à l’effondrement. Le carbone invite plutôt à composer avec des temporalités hétérogènes.
Et vu les durées impliquées dans les grands mécanismes régulateurs du cycle du carbone, il faut s’inquiéter non seulement des générations futures d’humains mais aussi des espèces futures qui risquent de disparaître avec lui.